Le musée sur Radio Fuze



Retrouvez le musée d'Uzès dans l'émission "Fréquence Musées", tous les mois sur Fuze  !
Et découvrez chaque mois un objet insolite des collections du musée.
Chaque émission est diffusée le premier  lundi du mois, de 9h15 à 9h45, et peut aussi être réécoutée sur ce site. 
Vous pouvez également découvrir l'objet du mois en visite guidée au musée !









L’objet du mois de janvier 2025 : bannière de la Société des Agriculteurs d’Uzès

A quoi ça ressemble ?

C’est un drapeau en soie verte bordé de franges dorées, mesurant environ 1 m de haut sur 1 m de large. Le centre est occupé par une bande horizontale de soie blanche, portant un décor brodé des deux côtés. D’un côté il représente dans un écusson un homme portant un long vêtement noir, accompagné de deux enfants. De l’autre côté on reconnaît divers outils, arrangés en composition symétrique, entourés de branches de chêne.

Qu’est-ce que ça représente ?
Le personnage avec les enfants est Saint Vincent de Paul, un prêtre français né en 1581 et mort en 1660, canonisé en 1737 pour son engagement dans les œuvres de charité. Il a créé plusieurs ordres religieux (Lazaristes, Filles de la Charité) et fondé à Paris l’hôpital des Enfants Trouvés pour accueillir les orphelins. C’est pour cela qu’on le représente souvent comme un prêtre en soutane noire, accompagné de petits orphelins.


De l’autre côté, les outils représentés sont ceux des agriculteurs : charrue, bêche, fourche, faucille, râteau, fléau, accompagnés très logiquement par des gerbes de blé.

A quoi ça servait ?
Notre objet est une bannière d’association, comme le revendique l’inscription brodée en lettres d’or : celle de la « Société des agriculteurs d’Uzès, Gard, fondée en 1801 ». Elle s’inscrit dans le système des corporations, hérité de l’Ancien régime. Avant la Révolution, pour exercer une profession, en particulier dans l’artisanat, il fallait avoir suivi un apprentissage auprès d’un membre de la corporation (sanctionné, pour les artisans, par une épreuve pratique finale, la réalisation d’un « chef-d’œuvre ») et avoir été reçu dans cette corporation. Les corporations avaient à la fois un rôle de formation professionnelle, de syndicat défendant les intérêts de la profession, de « conseil de l’Ordre » (contrôle du respect des règles) et de mutuelle qui venait en aide aux membres malades ou à leur famille en cas de décès.
En 1791, la Révolution supprima le système des corporations, offrant la possibilité à chacun d’exercer le métier de son choix. Sous la Restauration, le rétablissement des corporations fut envisagé mais non réalisé, cependant à cette période réapparurent des associations professionnelles, sans réel pouvoir autre que le secours mutuel et souvent placées sous l’invocation d’un saint catholique. Notre Société des agriculteurs a été précurseur puisqu’elle est apparue dès 1801.
Le Journal d’Uzès du 12 octobre 1929 signale qu’elle a été « fondée en Pluviôse, an IX de la première République [donc en janvier ou février 1801], elle est certainement une des plus vieilles corporations de France encore existantes. Notre chère cité d’Uzès a vu maintes fois en ces dernières années ses adhérents défiler dans les rues de la ville, précédés de son vénérable drapeau vert. »
Créée sous la Première République, la Société était-elle placée dès l’origine sous le patronage d’un saint catholique ? Napoléon Bonaparte, premier consul, venait de rétablir la liberté de culte… mais la liberté d’association était étroitement contrôlée. L’objet de la Société (soutien aux agriculteurs, majoritaires dans la population à l’époque) était suffisamment consensuel pour permettre son existence.
Au XXe siècle, les corporations seront peu à peu remplacées par les syndicats et les mutuelles que nous connaissons aujourd’hui. Mais la Société était encore active en 1929, puisque l’article du Journal d’Uzès cité plus haut annonce une réunion de ses adhérents.

De quand ça date ?
Le style de cette bannière et les broderies visiblement réalisées à la machine sont certainement plutôt datables de la fin du XIXe siècle que de 1801. Il est possible que le choix de Saint Vincent de Paul comme patron date lui aussi de la fin du XIXe siècle, en effet le pape Léon XIII l’avait institué patron de toutes les œuvres charitables en 1885.

Comment est-ce arrivé au musée ?
Comme pour beaucoup de collections anciennes du musée, le mode d’entrée de cet objet reste inconnu. La bannière a été un temps conservée dans la sacristie de l’ancienne cathédrale d’Uzès, comme le mentionnent les inventaires des biens de la paroisse établis par le Diocèse en 1905 puis par l’Etat en 1906. Le musée d’Uzès a été créé en 1910. A cette date la Société des agriculteurs d’Uzès était encore active, on a vu qu’elle le restera au moins jusqu’en 1929. Par la suite il est possible que la bannière ait été stockée dans la mairie. Un registre d’inventaire du matériel de la commune d’Uzès, établi vers 1942, recense trois drapeaux de sociétés dans la salle des Drapeaux. Hélas il ne précise pas de quelles sociétés il s’agit ! Le musée se trouvant alors dans l’hôtel de ville, lorsque le conservateur Georges Borias a établi un premier inventaire des collections en 1945, il a peut-être inclus ces vieilles bannières. En tous cas quatre drapeaux de société figurent dans les collections (celle des Maçons, des Charpentiers, des Agriculteurs et des Boulangers), sans indication de provenance.
Du fait de la fragilité du tissu, cette bannière n’est pas exposée en permanence.






L’objet du mois de décembre 2024 : photographie par Ulysse Dumas


A quoi ça ressemble ?
C'est une photographie en noir et blanc montrant trois enfants, debout devant un mur : une fillette qui tient d'une main des livres et un panier d'osier, de l'autre un bouquet de fleurs, un garçon portant un sac à bretelles et un béret, et un petit garçon vêtu d'une blouse à carreaux.

Comment est-ce arrivé au musée ?
Le négatif de cette photographie fait partie d'un lot donné par Anita Dumas en 1980 : des négatifs sur plaques de verre réalisés par son père Ulysse Dumas au début du 20e siècle, ainsi que son appareil et son matériel photographique. Des tirages ont été réalisés à partir de ces négatifs par Catherine Tauveron en 2009.

Qui l’a fait ?
Ulysse Dumas est né en 1872 dans une famille aisée de propriétaires terriens à Baron, entre Uzès et Alès. Il étudie au collège d’Uzès puis au lycée d’Alès, avant de reprendre la ferme familiale après le décès de son père en 1897. Parallèlement à son métier d’agriculteur, Ulysse Dumas se passionne pour l’archéologie, présidant le petit Groupe Spéléo-archéologique d'Uzès.
A la différence des autres archéologues amateurs, Ulysse Dumas ne fouille pas juste pour se constituer une collection, mais mène une véritable réflexion scientifique qu’il communique dans des publications et transmet aussi au Comité des Travaux Historiques du ministère de l'Instruction Publique. Son travail est salué par les spécialistes, mais sa santé est fragile et il décède en 1909 à seulement 36 ans.
Ulysse Dumas n'était pas seulement un scientifique mais avait aussi une sensibilité artistique : il écrivait de la poésie et pratiquait la photographie. Ce nouveau média était encore réservé aux personnes disposant de bonnes connaissances scientifiques et techniques et d’une certaine aisance : les appareils étaient chers, peu maniables, il fallait faire soi-même le développement en préparant ses produits.

De quand ça date ?
L'usage de la photographie s'est vite répandu dans les milieux scientifiques, pour fournir des documents d'une incomparable fiabilité. C'est Gabriel Carrière, conservateur du musée archéologique de Nîmes, qui apprend la photographie à Ulysse Dumas à la fin de l’année 1901 : il lui conseille un appareil d'occasion et lui enseigne le développement des négatifs et des tirages. Ces photographies ont donc été réalisées entre 1902 et 1907, avant que Dumas ne soit obligé de rester alité.

Qu'est-ce que ça représente ?
Parmi les négatifs transmis par sa fille, les photographies scientifiques sont peu nombreuses, la majorité sont des portraits de proches (famille, amis, voisins). Elles sont toujours prises en plein air, souvent dans la cour de son mas à Baron.
Leur intérêt tient au naturel des modèles, au contraire des photographes professionnels de cette époque (qui abusaient des mises en scène et des retouches). On y sent la personnalité de Dumas, son regard plein de tendresse mais sans tricherie.
Cette photographie montre trois enfants (sans doute frères et sœur d'après leur ressemblance physique), sur le chemin de l'école, comme l'indiquent les livres de la fillette. La bourriche d'osier contient probablement le déjeuner des enfants (à l'époque il n'y a pas de cantine scolaire), le bouquet de primevères pourrait être un cadeau pour l'institutrice, à moins qu'il ait été cueilli sur le chemin du retour pour leur mère. Le plus jeune enfant, comme sa grande sœur, porte une blouse plissée, boutonnée dans le dos (pour ne pas faire de taches d'encre sur ses vêtements). Le garçon plus âgé porte une tenue qui évoque un uniforme militaire (bérêt, veste à boutons métalliques).
Ils posent sans sourire : la prise de vue est encore un rituel intimidant, avec un gros appareil qui demande un long temps de pose immobile. Leur sérieux constraste avec les chevelures décoiffées et les taches de rousseur qui révèlent leur habitude du plein air.
Cette photographie est un document très touchant sur la vie quotidienne des enfants de l'Uzège au début du 20e siècle.



L’objet du mois de novembre 2024 : masque Wé, Côte-d’Ivoire


A quoi ça ressemble ?
C’est un masque en bois aux formes anguleuses, en fort relief, peint de couleurs vives (noir, blanc, rouge, bleu).

D’où ça vient ?
Ce masque provient de Côte d’Ivoire, il a été produit par le peuple Wé (autrefois appelé Guéré), qui vit dans une zone de forêt entre l’Ouest de la Côte d’Ivoire et le Libéria.

A quoi ça servait ?
Les masques Wé représentent un esprit protecteur, intermédiaire entre les divinités et les humains. Notre masque a un aspect effrayant avec des éléments empruntés aux animaux sauvages (cornes ou oreilles pointues, langue tirée, crocs). C’est probablement un « masque guerrier », il avait pour rôle de se mêler aux combattants afin de les encourager, mais aussi d’imposer le règlement des conflits internes au village.
Des chants, danses et mouvements spécifiques étaient associés au masque. Il faut aussi imaginer que le masque était complété par des éléments qui ont disparu : on distingue des trous sur les bords, qui devaient servir à maintenir des éléments évoquant une chevelure (fibres végétales ou vrais cheveux), ou bien un tissu permettant de recouvrir la tête. Le porteur du masque était entièrement dissimulé grâce à des accessoires : une coiffe de plumes et un costume volumineux (en général une jupe de fibres végétales). Tout cela n’est hélas pas conservé : les masques exposés dans les musées ne sont qu'une petite partie de l'ensemble d'origine. De plus ils ont souvent perdu des éléments et parfois même leurs couleurs, car les collectionneurs d’art africain du 20e siècle ont privilégié l’aspect esthétique des masques et enlevé tout ce qui aurait pu gêner cette vision. Même quand ces éléments n’étaient pas enlevés, leurs matériaux fragiles (fibres, fourrure, plumes) ont souvent été détruits par le temps et les insectes.

Comment est-ce arrivé au musée ?
Dès sa création au début du XXe siècle, le musée avait reçu en don quelques objets africains.
A partir de 1946, le musée est dirigé par Georges Borias, artiste et enseignant. La première exposition qu’il organise, en 1947, a pour thème « L’Art exotique », notion « fourre-tout » réunissant des œuvres d’Afrique de l’Ouest, de Madagascar, mais aussi d’Inde, de Chine et du Viet-Nam, prêtées par des collectionneurs privés. Le conservateur décide alors de développer les collections du musée dans ce domaine de « l’ethnographie d’outre-mer », liée à Uzès puisque la cité « a fourni de nombreux cadres colonisateurs ». Avec les années 1960 et la décolonisation, les acquisitions vont peu à peu s’arrêter. Notre masque est un des derniers objets africains acquis par Georges Borias, il a été acheté en 1975 à un collectionneur privé.

Comment c’était fabriqué et de quand ça date ?
Les masques étaient réalisés par des personnes initiées, à partir du bois d'arbres séléctionnés pour leur propriétés techniques et symboliques. Le bois est taillé dans la masse, traditionnellement peint avec des pigments naturels : noir de fumée, ocres ou couleurs végétales pour le rouge, kaolin pour le blanc. Mais le bleu vif a été obtenu à partir d'un matériau artificiel, le bleu de lessive, aussi appelé « bleu Guimet » : des boules de poudre bleu outremer servant à blanchir le linge, inventées en 1826 par le chimiste lyonnais Jean-Baptiste Guimet, et utilisées par les colons français. Cette couleur bleue intense, très appréciée par les Africains, a été détournée pour peindre les masques dès le 19e siècle. On en trouvait encore sur les marchés africains au début des années 2000.
Notre masque peut donc remonter au 19e siècle, il est en tous cas antérieur à 1975 (date de son achat).

 




L’objet du mois d'octobre : « Portrait de Mgr Bauÿn »


A quoi ça ressemble ?
C’est un tableau représentant un homme aux cheveux gris, portant un manteau bleu à rabat et une croix autour du cou. Il est assis devant une table et tient un papier enroulé sur lequel on distingue le dessin d’un bâtiment ; une bourse remplie de pièces d’or est posée près de lui.

Comment est-ce arrivé au musée ?
Ce tableau fait partie d’un ensemble de documents appartenant à l’hôpital d’Uzès, qui les a mis en dépôt au musée en 1949 : plans anciens de l’hôpital, pots de pharmacie, portraits…

Que représente le tableau ?
Comme l’indique son costume, il représente un religieux : Bonaventure Bauÿn (1699-1779), évêque d’Uzès de 1737 à 1779. C’est un évêque très actif qui fonde à Uzès une école et fait reconstruire l’église Saint-Etienne, détruite pendant les guerres de religion. C’est lui aussi qui décide d’agrandir l’hôpital.
L’Hôpital d’Uzès existait sans doute dès le 13e siècle. Au 14e siècle, il occupe déjà son emplacement actuel, en dehors des remparts de la ville, sur la route de Nîmes. C’est une institution religieuse, comme tous les hôpitaux du Moyen-Age. Longtemps gérée par des laïcs, à la suite des guerres de religion, elle passe sous la tutelle de l’évêque à partir de 1661.
En 1746, Monseigneur Bauÿn décide de reconstruire l’hôpital, trop petit et vétuste : il ne comprend qu’une petite chapelle et deux salles, et ne peut accueillir que 14 lits. Les travaux, confiés à l’architecte Guillaume Rollin, sont terminés en 1755. Le centre du bâtiment est occupé par une chapelle (ce qui montre bien qu’il s’agit d’une institution religieuse avant tout). Le nombre de lits est passé à 49. Les malades hommes et femmes sont séparés, logés d’un côté et de l’autre de la chapelle. Des salles sont prévues pour la pharmacie et l’infirmerie : les soins médicaux sont mieux organisés qu’au Moyen-Age. Des pièces de service (cuisine, boulangerie, grenier, caves, buanderie) permettent un fonctionnement en autonomie.
Sur le tableau on reconnaît bien la façade de l’hôpital sur le papier que tient l’évêque, le portrait rappelle donc son rôle dans la reconstruction, et indique clairement sa contribution financière par la représentation de la bourse. Il faut savoir que Bonaventure Bauÿn a financé sur ses fonds propres plus de la moitié du coût des travaux, le reste provenant de dons et d’une taxe sur la viande de boucherie.
On peut donc imaginer que ce portrait a été peint pour lui rendre hommage. Autrefois il était courant de conserver dans les hôpitaux les portraits des personnes qui avaient contribué à ces institutions par des dons ou des legs (on les appelait les « donatifs »). Monseigneur Bauÿn était un « donatif » exemplaire puisqu’il a aussi choisi de léguer ses biens à l’hôpital après sa mort en 1779

Qui l’a fabriqué et de quand ça date ?
On ne le sait pas : le tableau n’est ni signé ni daté. Mais il a sans doute été peint pendant ou après la reconstruction de l’hôpital, donc autour des années 1750. Le peintre n’a pas cherché à idéaliser son modèle, un petit homme maigre d’une cinquantaine d’années, au visage ingrat avec son grand nez et ses lèvres minces, mais éclairé par des yeux vifs, du même bleu que le mantelet de velours. Cette austérité correspond à ce qu’on connaît de la personnalité de Mgr Bauÿn, qui semblait peu soucieux de gloire et de pouvoir (il a refusé d’être nommé évêque d’Auxerre puis archevêque de Besançon, pour faire toute sa carrière à Uzès).

 

L’objet du mois de septembre 2024 : « Bello Matinado » par Félix Charpentier


A quoi ça ressemble ?
C’est une sculpture en plâtre, représentant une femme nue, grandeur nature, qui s’étire.

Qui l’a fabriqué ?
La sculpture est une œuvre de Félix Charpentier (1858-1924). Né à Bollène, Charpentier étudie la sculpture à l’école des Beaux-Arts à Paris. Il devient un sculpteur apprécié, exposant chaque année au Salon des Artistes Français, recevant de nombreuses commandes publiques : l’imposant monument commémorant le centenaire de la réunion du Comtat Venaissin à la France (Avignon, allées de l’Oule), le décor sculpté de la gare de Lyon à Paris, le monument à Emile Jamais, à Aigues-Vives…

Qu’est-ce que ça représente ?
Une jeune femme s’étire, elle vient de sortir du lit sur lequel elle prend appui. Ce thème de la femme au réveil est fréquent dans la sculpture du XIXe siècle. Mais finalement le sujet importe peu, c’est un prétexte pour représenter un nu féminin voluptueux, sujet de prédilection de l’artiste, typique de la Belle Epoque.
Le nu est apprécié mais l’évocation du lit surprend : un critique décrit « une fille d’Eve, nue comme sa mère. Elle se grandit en s’étirant : c’est le Matin qui sort de son lit par la volonté de M. Félix Charpentier – et le peu que le sculpteur a représenté du lit est trop précisé, gêne légèrement le goût. Mais cette statue est le chef-d’œuvre de M. Félix Charpentier. La blancheur immaculée du marbre fait resplendir la forme gracile, souple et nerveuse du jeune corps et l’on remarque que M. Félix Charpentier a accordé au mieux l’expression du visage à la volupté de l’attitude. »

De quand ça date ?
Il y a plusieurs versions de cette œuvre, car comme tous les sculpteurs du XIXe siècle, Charpentier travaille en plusieurs étapes. Il crée d’abord un prototype en terre crue modelée. Ce matériau ne se conservant pas, il en réalise un moulage en plâtre. A partir de ce premier moulage (ou plâtre original), il pourra réaliser des versions en bronze, en marbre ou en plâtre. Le plâtre original est exposé en 1907 au Salon des Artistes Français, puis acheté par l’Etat et déposé au musée de Châteaudun. Une version en marbre est également commandée en 1908 pour le musée d’Arras.

Comment est-ce arrivé au musée ?
En 1909, le peintre José Belon décide de créer à Uzès un musée de peinture et de sculpture (l’ancêtre du musée actuel), grâce aux œuvres données par ses amis artistes. Belon est un Gardois installé à Paris, où il fréquente d’autres méridionaux comme Charpentier, originaire du Vaucluse. Un tableau de Belon (au musée des Beaux-Arts de Nîmes), intitulé « Portraits de sculpteurs », représente d’ailleurs Charpentier parmi d’autres sculpteurs, réunis pour l’exposition de leurs œuvres au Grand Palais lors du Salon de 1908. En mars 1910, José Belon peut donc annoncer triomphalement dans le Journal d’Uzès le don par Charpentier « d’un moulage grandeur nature de sa Matinado, dont le succès au Salon dernier fut considérable ».

Qu’est devenu l’objet ?
La statue est mentionnée parmi les œuvres envoyées pour l’ouverture du musée d’Uzès en juillet 1910. A cette époque le musée est installé dans plusieurs salles à l’étage de la mairie. Elle y est toujours en 1945, lorsque Georges Borias, alors jeune professeur de dessin, reprend la direction du musée, quelque peu tombé dans l’abandon entre-temps. Borias l’inscrit dans l’inventaire avec une attribution et un titre erronés (« L’Eveil », par Alix Marquet), preuve qu’à cette date la statue a perdu son cartel d’identification. En 1958, Borias est muté à Paris et jusqu’à son retour à Uzès en 1968, il ne peut s’occuper qu’à distance du musée, fermé par manque de personnel. Dans les années 1970, la ville d’Uzès achète le bâtiment de l’ancien évêché, le musée y est transféré et inauguré en 1978. Mais la statue semble avoir disparu pendant la période de fermeture du musée entre 1958 et 1968 : à ce jour, elle n’a toujours pas été retrouvée. La pauvre Matinado a sans doute été jugée trop encombrante et démodée, et un employé de mairie a dû faire de la place sans en avertir le conservateur…
Si vous la retrouvez, prévenez-nous !




L’objet du mois de juillet 2024 : « Portrait d’Adolphe Alphand » par Alfred Roll


A quoi ça ressemble ?
Il s’agit d’un petit tableau carré. Il représente un homme à la barbe blanche, portant un chapeau haut-de-forme et un manteau noir, cadré en buste.

Qui l’a fabriqué ?
La toile est signée en haut à gauche « Roll » : il s’agit du peintre Alfred Roll (1846-1919). Elève de Gérôme, Bonnat et Harpignies, il exposa au Salon des Artistes Français de 1870 à 1889 et au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts de 1890 à 1919. Roll navigua entre naturalisme et art officiel, réalisant avec autant de succès des décors monumentaux (pour l’Hôtel de Ville de Paris, la Sorbonne, le Petit Palais) que des scènes de la vie populaire. Ses nombreux portraits alternent entre gens du peuple et célébrités parisiennes.

Comment est-ce arrivé au musée ?
Lorsque le peintre José Belon décida en 1909 de créer un musée à Uzès, il sollicita diverses personnalités pour soutenir son projet. En tant que président et membre fondateur de la Société Nationale des Beaux-Arts, Roll était un personnage influent, que Belon eut la fierté de compter parmi les membres du Comité de patronage du musée... et parmi les donateurs ! En effet c’est grâce aux dons d’artistes que furent constituées les collections du musée.
Dans le Journal d’Uzès du 3 juillet 1910, Belon annonça l’arrivée des premières œuvres : le tableau de Roll figurait dans cet envoi.

Que représente le tableau ?
Il représente une célébrité parisienne : Adolphe Alphand (1817-1891), indispensable collaborateur du baron Haussmann, qui transforma et modernisa Paris sous le Second Empire. Alphand fut d’abord chargé de l’aménagement des espaces verts (en particulier le parc des Buttes Chaumont). La chute de Napoléon III n’entrava pas sa carrière à la ville de Paris, puisqu’à partir de 1871 il supervisa tous les chantiers publics de la capitale. L’apogée de sa vie professionnelle fut la direction des travaux pour l’Exposition Universelle de 1889, comprenant la construction de la tour conçue par Gustave Eiffel.

De quand ça date ?
Notre toile n’est pas datée mais c’est une étude préparatoire pour un grand portrait d’Alphand, actuellement conservé au musée du Petit Palais à Paris. Dans la version définitive, on voit l’ingénieur au travail, tenant à la main une liasse de plans, sur un chantier de construction. Le dôme des Invalides et la date de 1888 figurant sur ce grand portrait nous indiquent qu’il s’agit certainement du chantier des travaux de l’Exposition Universelle de 1889. Roll joue des contrastes entre la tenue sombre d’Alphand et l’arrière-plan clair, entre l’attitude posée de l’ingénieur et l’agitation des travaux. Il choisit de limiter sa palette au noir et aux nuances de gris, pour concentrer l’attention sur la figure.
José Belon présente ainsi l’œuvre dans le Journal d’Uzès du 17 juillet 1910 : « Le maître Roll nous offre la première étude du portrait d’Alphand, l’ancien directeur des travaux de l’édilité parisienne, l’ingénieur réputé à qui Paris doit la plus belle part de ses embellissements. Le portrait définitif d’Alphand peint par Roll figure actuellement au Petit-Palais, à Paris ; mais pour moi, cette première étude qui n’est qu’un fragment de l’œuvre définitive, n’en a que plus de prix à mes yeux, car elle est le premier jet de l’impression reçue, et par la spontanéité de la touche, cette toile nous donne du talent de Roll la plus haute idée que l’on puisse s’en faire ; car le grand artiste peint avec une vigueur peu commune et la matière colorante chez lui ajoute, si l’on peut dire, à la vérité de ses portraits. Cette physionomie d’Alphand par Roll est donc une des plus belles choses du Musée. »




  

 

L’objet du mois de juin 2024 : « Pierre de picote »

Qu’est-ce que c’est ?
C’est un galet poli en roche verte, collé sur un support de bois avec deux éléments en bois taillé.

 

Comment est-ce arrivé au musée ?
Cet objet fait partie d’un ensemble d’objets (poteries, vestiges archéologiques, outils, documentation) collectés par Marcel Duret, habitant d’Uzès passionné par le patrimoine local, et donnés au musée par sa famille après son décès en 2014.


A quoi ça servait ?
L’étiquette collée sur le support de bois le précise : ce galet était une « pierre de picote », traditionnellement utilisée par les bergers pour protéger leurs troupeaux contre la clavelée ou variole des moutons (« picoto » en occitan). Cette roche basaltique à la couleur verte provient des Alpes et on en trouve des galets dans le lit de la Durance et du Rhône. Elle porte des taches caractéristiques, ressemblant aux pustules de la variole, d’où son nom scientifique de « variolite ». Frappés par cette ressemblance, les paysans ont y vu l’indice d’un pouvoir magique de protection contre la maladie. Ils suspendaient des galets de variolite au cou des brebis ou en plongeaient dans l’eau des abreuvoirs.
Les éléments en bois taillé qui accompagnent notre pierre sont des clavettes : placées de chaque côté du collier (en bois, en forme de U renversé), elles maintenaient la sangle en cuir retenant la cloche. Ceci confirme l’inscription de l’étiquette, la pierre devait être placée dans une sonnaille.

 

De quand ça date ?
L’usage des variolites est sans doute immémorial. Le Dr Marignan, archéologue et ethnologue, leur a consacré une étude en 1908. Il remarque que les pierres de picote des bergers cévenols provenaient de sites préhistoriques locaux plutôt que directement de la Durance ; d’après lui, il est possible que dès le Néolithique on ait utilisé les variolites comme protection contre les maladies.
Notre variolite a été collectée avant 1914, probablement par Albert Hugues, auprès de M. Roussel, éleveur de brebis à Saint-Geniès de Malgoirès. Albert Hugues (1876-1940), viticulteur à Saint-Geniès de Malgoirès, était aussi un naturaliste avisé, membre de la Société d’Etude des Sciences naturelles de Nîmes. Ami du paysan-poète Albert Roux, de Sanilhac, il encouragea ce dernier dans la création d’un Muséon Uzétien (ancêtre de l’actuel musée d’Uzès) sur le modèle du Muséon Arlaten fondé par Frédéric Mistral. Ensemble, les deux amis lancèrent dans le Journal d’Uzès du 20 octobre 1912 cet appel : « Que ceux qui connaissent encore les légendes de leur village, […] que ceux qui connaissent nos proverbes locaux, nos remèdes aux rites cabalistiques, ou aux préparations alambiquées, que ceux-là apportent au Muséon, créé pour conserver sous toutes ses formes l’âme vivante des ancêtres, le récit des traditions uzétiennes. Que tous ceux-là apportent au Muséon les vieux objets, les vieilles histoires, avant que le tout disparaisse pour toujours. » Anticipation étonnante du concept de « patrimoine immatériel », actuellement au cœur de la réflexion des musées d’ethnographie ! Si cette quête n’a pas laissé de traces tangibles dans les collections du Muséon, elle a du moins abouti, deux ans plus tard, à la publication par les deux amis du recueil Folklore dou parage d’Uzès (Malige, Uzès, 1914).
Après la Première Guerre, Albert Hugues, très affaibli, cessa ses recherches. Mais il avait transmis le goût de la science à son fils Camille Hugues (1905-1986), professeur d’histoire et éminent préhistorien. C’est Camille Hugues qui fit don de la variolite à M. Duret en 1981. Son arrivée au musée, 34 ans plus tard, répare une lacune : en effet, le Muséon Uzétien avait reçu une variolite, comme le signale le Petit Méridional du 20 octobre 1913 : « Don de M. Paul Verdier, de Masmolène, une pierre dite « picoto », très caractérisée », mais celle-ci avait disparu depuis...

 

Sommaire de l'émission

Réécoutez l'émission Fréquence Musées, juin 2024

 

 



L'objet du mois de mai 2024 : fontaine de table, fabrique Pichon

A quoi ça ressemble ?



C’est un grand vase avec un couvercle et un robinet sur la panse, posé sur un socle et complété par une vasque en losange. Il est en céramique de couleurs variées, formant comme les veines d’un marbre, et orné de fleurs en relief autour du col et d’un écusson sur la panse.

Qui l'a fabriqué ?
La poterie est un artisanat traditionnel des villages de l’Uzège, grâce à la présence d’une argile abondante et de qualité. Mais ce n’est qu’au 19e siècle que des potiers s’installent à Uzès même : une famille de faïenciers marseillais, les Vernet, et une famille uzétienne, les Pichon.
Contrairement aux Vernet qui n’ont pas survécu aux années 1860, la fabrique Pichon, encore actuellement en activité, a su se développer et s’adapter, en se spécialisant dans la céramique d’ornement (vaisselle de luxe, cadeaux de mariage, souvenirs pour touristes). Sept générations se sont succédées depuis le fondateur de la fabrique au début du 19e siècle, Jacques Pichon. C’est son fils François (1804-1877) qui lance véritablement l’affaire, aidé par ses trois fils Jules, Auguste et Alphonse. La fabrique est ensuite reprise par le fils d’Auguste, Paul. Après ses descendants Henri puis Jean-Paul, c’est aujourd'hui Christophe Pichon qui poursuit la tradition familiale dans le nouvel atelier maintenant installé dans les locaux de l'entreprise Athezza.

Comment c’est fabriqué ?
C’est la technique appelée « terres mêlées » qui donne cet effet de marbrures si particulier. Il est obtenu par le mélange, dans l’épaisseur de la pâte, d’argiles de différentes teintes, à ne pas confondre avec l’effet donné par des coulures d’engobes à la surface d’une poterie.
Cette technique, pratiquée dès le 18e siècle à Apt (Vaucluse) mais également en Angleterre, est reprise par François Pichon qui introduit de nouvelles couleurs. Aux teintes naturelles des argiles blanche, rouge et brune, il ajoute le vert (à l’oxyde de cuivre) et le bleu (au cobalt).
Les pièces en terres mêlées ne sont généralement pas tournées (cela effacerait les marbrures), mais moulées. Le potier mélange ses argiles colorées pour obtenir un bloc qu’il découpe en tranches. Ce sont ces tranches qu’il met en forme dans un moule en plâtre, comme une pâte à tarte dans un moule. Après séchage la pièce est démoulée puis cuite au four en deux fois, avec ajout d’un vernis transparent à la deuxième cuisson.

A quoi ça servait ?
Ce vase est une fontaine de table : un objet qui permettait de se laver les mains à une époque où toutes les maisons n'avaient pas l'eau courante. La vasque sert à recueillir l’eau. Le socle est équipé d'un petit tiroir qui peut contenir un savon. Cependant la beauté de cette fontaine en faisait un objet plus décoratif que vraiment fonctionnel.
Prouesses techniques par les dimensions, le mélange des différentes teintes, l’abondance et le raffinement du décor, les fontaines de la fabrique Pichon sont de véritables chefs-d’œuvre. A ce jour, six modèles différents sont connus : une fontaine réalisée pour le jubilé du pape Léon XIII en 1888, une pour une famille alésienne, les de Roux-Larcy, probablement à l’occasion d’un mariage en 1888, une appartenant toujours à la famille Pichon (actuellement présentée au musée), deux récemment passées dans des ventes aux enchères, et notre fontaine. Si le décor est personnalisé aux armoiries du commanditaire, la forme est toujours identique, en balustre, avec des anses en anneaux surgissant de mufles de lions, un col bordé de dentelures et entouré d’une rangée de fleurs. Jean-Paul Pichon estimait le temps de travail nécessaire à la fabrication de ce genre de pièce à 2000 heures… à cette époque, on ne comptait pas son temps pour l’amour du beau métier !

Qui l'a commandé ?
L'écusson sur la fontaine porte les initiales JH, il est surmonté d'un chapeau avec des cordons ornés de pompons. En héraldique, le chapeau symbolise les ecclésiastiques, le nombre de pompons ou « houppes » indique le niveau hiérarchique. Ici il y a trois houppes, il s'agit donc d'un prieur ou d'un chanoine. Les initiales JH peuvent correspondre au chanoine Jean Huc. Né à Nîmes en 1844, il est ordonné prêtre en 1869. En 1893, il est nommé directeur de l'œuvre de la Jeunesse de Nîmes (ou « Œuvre Argaud »). Il est fait chanoine honoraire en 1900 et chanoine prébendé en 1909. Il décède en 1919.

De quand ça date ?
Notre fontaine a peut-être été offerte en cadeau au chanoine Huc pour sa nomination à la tête de l'Œuvre Argaud en 1893. Cela correspondrait à la période de fabriation des autres fontaines Pichon, dans les années 1880-1900, bien que seule celle du pape Léon XIII soit datée avec certitude (1888).

Comment est-ce arrivé au musée ?
Cet objet a été acheté par l’association des Amis du musée à un collectionneur privé en 2014.







L’objet du mois d’avril 2024 : maquettes en liège de monuments antiques

A quoi ça ressemble ?
C’est un ensemble de trois maquettes d’édifices, réunies dans une boîte vitrée. Il y a un édifice sur plan carré formé d’arcades surmontées de colonnes, un pont à trois niveaux d’arcades, et un fragment de façade avec des colonnes supportant un fronton triangulaire.

Qu’est-ce que ça représente ?
Il s’agit de trois monuments romains célèbres du midi de la France : le mausolée de Glanum à Saint-Rémy de Provence, le Pont du Gard et un vestige du forum romain d’Arles.
Le mausolée de Glanum était un monument funéraire. Le Pont du Gard est un élément de l’aqueduc long de 50 km qui amenait d’Uzès jusqu’à Nîmes l’eau de la Fontaine d’Eure. Les colonnes et le fragment de fronton sont tout ce qui subsiste en surface du forum, centre de la ville antique d’Arles, ils sont englobés dans la façade d’un bâtiment moderne.

Comment est-ce arrivé au musée ?
Cet objet a été donné en 1967 par Mme Robert André, propriétaire du château de Saint-Privat, près du Pont du Gard. Mme André était la fille de Jacques Rouché, qui dirigea l’Opéra de Paris de 1913 à 1945, et qui acquit le château en 1916.

Qui l’a réalisé et quand ?
Ces maquettes sont fabriquées en liège. Cette technique est d’origine italienne, plus précisément napolitaine. En effet les grandes crèches de Noël sont très appréciées à Naples. Au XVIe siècle on a commencé à les installer dans de véritables paysages miniatures, avec des arbres, des rochers, mais aussi des ruines d’édifices antiques (un environnement assez courant en Italie !). Pour ces modèles réduits de constructions, on utilisait une matière première peu coûteuse et facile à travailler : le liège, produit en abondance autour de la Méditerranée. Par la suite, cette technique est reprise à Rome, non plus pour meubler des crèches mais pour réaliser des versions miniatures des édifices antiques de Rome.
Depuis le XVIe siècle, Rome attirait les artistes, venus se former au contact des œuvres et des monuments de l’Antiquité. A partir du XVIIIe siècle, des voyageurs fortunés venus de toute l’Europe commencent à visiter Rome, c’est le « Grand Tour », le début du tourisme. Les jeunes gens de bonne famille viennent voir les vestiges de la culture romaine, dont ils sont imprégnés par leur éducation (à cette époque, le latin est la base de la plupart des enseignements, et l’art classique reste la référence ultime). Beaucoup ramènent des souvenirs de ces monuments : une gravure pour les plus modestes, un tableau ou une maquette pour les plus riches... L’architecte anglais John Soane en achète tout un ensemble, destiné à montrer à ses étudiants de Londres des édifices qu’ils ne pourraient aller voir sur place. L’architecte français Cassas fait de même, sa collection sera achetée par l’Etat pour l’école des Beaux-Arts de Paris.
Les maquettes en liège restent des objets de luxe. A la fin du XVIIIe siècle plusieurs sculpteurs italiens en font leur spécialité. Ils travaillent d’après des gravures représentant les monuments antiques. Certains vont même jusqu’à faire leurs propres relevés pour garantir l’exactitude de leurs maquettes.
La phelloplastique (art de sculpter le liège) trouve d’autres adeptes hors d’Italie, plus ou moins sérieux. Si l’archéologue nîmois Auguste Pelet réalise à partir de 1820 des maquettes des monuments antiques de Nîmes (conservées au musée archéologique de Nîmes), c’est dans un but scientifique, avec une précision qui fait encore aujourd’hui l’admiration des spécialistes.
Mais pour d’autres, c’est une production commerciale, fabriquée en série. C’est le cas d’un fabricant marseillais, d’origine italienne ou grecque selon les sources, Etienne ou Stéphane Stamati. Il démarre son activité autour de 1790 et sa fabrique fonctionne encore à Marseille en 1810. En 1808 il ouvre une antenne à Paris : un « cabinet de phelloplastique » situé 14 rue Vivienne, dans lequel il présente plus de 40 modèles différents, des monuments de Rome mais aussi du Midi de la France. Un auteur signale toutefois que « malheureusement il n’a pas fait dessiner ces monuments, et plusieurs de ses modèles sont exécutés d’après les gravures de Montfaucon, qui sont très inexactes » : il n’a pas fait faire de relevés et travaille d’après les gravures assez fantaisistes commandées au XVIIIe siècle par le bénédictin Bernard de Montfaucon pour illustrer son ouvrage « L’Antiquité expliquée et représentée en figures ».
Parmi les modèles vendus par Stamati, figurent le mausolée de Saint-Rémy et le Pont du Gard. Nos trois maquettes pourraient donc bien provenir de la fabrique de Stamati. Leur manque d’exactitude, évident quand on les compare à leurs modèles, correspondrait au défaut signalé plus haut. La boîte vitrée dans laquelle elles sont présentées, avec ses montants en forme de colonnes, est bien dans le goût néoclassique de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle.
Ces maquettes ont pu être acquises à cette époque par les anciens propriétaires du château de Saint-Privat, la famille Faret qui y vécut jusqu’en 1865. Une façon de s’approprier le Pont du Gard voisin...

 

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